En guise de présentation


Les Editions Inedits ont pour vocation l'inventaire des ouvrages qui n'existent pas, mais qui pourtant ont ou ont eu une influence sur la littérature. Le "Nécronomicon" bien connu des lecteurs de Lovecraft en est un exemple. "Le roi en jaune" en est un autre, Kilgore Trout est un auteur parfaitement inédiste, et ces pages leur rendent hommage tant que faire se peut....
Par ailleurs, plutôt que se perdre dans les méandres de la virtualité, nous vous proposons ici de découvrir notre activité concrète (littéraire et théâtrale).

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lundi 28 mai 2012

OKéANOS : quelques pas de plus vers sa concrétisation.

Les lecteurs du roman OKéANOS se rappelleront sans doute les expériences assez déroutantes du Docteur Païen et du Professeur Moreau relatives à l'exploration des rêves par le biais de la machine. L'enjeu des scientifiques est de parvenir à créer des rêves artificiels et de les faire rêver ensuite, ou d'enregistrer des rêves naturels pour les reproduire, voire les transférer vers un autre esprit.
L'enjeu premier a été pour nos deux scientifiques de créer une sorte de base de données gigantesques permettant de mettre en place une interface, un langage commun, une sorte de pierre de rosette, entre la machine et l'esprit humain (si tant est que l'esprit humain soit une entité exacte et non différenciée, non individuée ; c'est l'écueil de leur méthode mais mon point de vue d'auteur ne doit surtout pas interférer avec leurs expériences de savants fous si je veux parvenir à démontrer mon propos romanesque... taisons-nous donc sur ce débat).

Il m'est plus difficile de rester indifférent sur ce que des recherches de l'Université de Berkeley ont mis à jour : la possibilité de reconstituer via la machine les images perçues par le cerveau. Le protocole de l'expérience est simple mais rappelle fortement la méthode du Docteur Païen et du Professeur Moreau : on a présenté une série d'images à un patient la tête reliée à un dispositif de lecture à résonance magnétique, une sorte de scanner à flux sanguins. Ces flux ont été répertoriés, modélisés, et chacune des "cartographies" du cerveau obtenues ont été nomenclaturées dans une base de données. Puis, l'on a répété l'expérience, et les résultats ont été recoupés avec ceux de la base de données récoltée précédemment. Bon, il y a un gars qui l'explique pas mal dans sa langue à lui (l'amerlokkke), ce qui est normal vu qu'il est l'inventeur du dispositif.


Bon, pourquoi pas ? Au regard des images obtenues, pour l'instant, on peut encore dormir tranquille. Mais j'aimerais pointer quelques détails :

Dans leur communiqué de presse, nos deux "savants" amérikkains évoque le besoin du corps scientifique de comprendre le fonctionnement encore mal décodé du cerveau, ressenti comme le pinacle des organes, et pour ce qui les intéresse la façon dont le cerveau crée ces images dynamiques que nous connaissons tous pour en user sous le terme heureusement assez vague d' "imagination". Pour connaitre ce fonctionnement naturel, ils déclarent avoir besoin de comprendre tout d'abord comment le cerveau fonctionne en regardant des films (!)

Ultimately, Nishimoto said, scientists need to understand how the brain processes dynamic visual events that we experience in everyday life. “We need to know how the brain works in naturalistic conditions,” he said. “For that, we need to first understand how the brain works while we are watching movies.”


Je veux bien admettre que la production hollywoodienne, ou le fatras d'images de "Tu tubes" n'égale pas la complexité d'une bonne vieille vie quotidienne. Mais prenons avec plus de sérieux la même expérience (décidément) réalisée au Japon, où les images présentées s'avéraient de façon moins présomptueuse être des échantillons plus simples : carrés, triangles, croix, en noir et blanc. On peut s'attendre à une base de données plus générique, certainement moins entravée par de l'affect (et encore, pour les croix ça peut se discuter, mais je rappelle qu'il s'agit du Japon.)


Mais voilà : pour quel enjeu ? D'entrée, l'on suppose pouvoir parvenir à visualiser bientôt les images pensées, d'une personne dans le coma par exemple. Peut-être même le contenu refoulé de l'appareil psychique d'un patient. Et, bien sûr, visualiser les rêves ! Car, bien que nous n'en soyons dans ce domaine à peine à l'équivalent de la peinture pariétale, nous constatons que le pouvoir médiatique nomme déjà cela : "machine à enregistrer les rêves".

Voici nos derniers terrains de jeux en passe de devenir des parkings de station service, les enfants !

Le rêve - tout comme le cerveau - fascine, car il est encore source de mystère. Il est à notre humanité ce que les grandes profondeurs océanes sont à notre bonne vieille planète bleue. Et pourtant, bien qu'il se dévoile à nous quotidiennement, il persiste une pulsion épistémophilique chez l'homme de le traquer dans sa mécanique intime - si tant est qu'il n'y en ait qu'une, ou qu'il y en ait une. Le rêve nous embêterait-il, dans sa liberté, sa facilité à se dérober ou à s'imposer, dans l'impression qu'il donne d'être à lui seul une conscience à part entière ? Et puisque le rêve n'est après tout que l'expression du désir, même ambivalent, que faire d'une machine à enregistrer l'expression des désirs ? Un institut de sondage ?

Je ne cesse de m'effrayer des applications que notre modernité barbare saurait permettre à une telle invention si elle fonctionnait à plein (ce qui semble pouvoir être le cas à l'horizon 2030). Un journaliste amateur s'extasie naïvement sur les possibilités de "trip de rêve collectif dans le genre Inception". Encore une fois, la bêtise crasse de l'imagerie à résonance magnétique hollywoodienne a bien constitué son travail de sape. Même en laissant de côté une éventuelle culture littéraire science-fictionnelle au profit de l'industrie cinématographique, citer le film "Brainstorm" ne suffit plus à tirer les sonnettes d'alarmes. Nous pourrons bientôt faire de nos rêves des clips et des "dreamspots", et puisque nous en aurons rêvé, Sony nous le fera.

En témoigne cet engin déjà sur le marché pour la modique somme de 95 Dollars : "un masque à placer devant les yeux permettant à celui qui le porte durant son sommeil de contrôler ses rêves, de les façonner à son goût."
Le truc est un peu éventé, il s'agit d'une béquille, c'est à dire d'un appareil qui remplace avec une présupposée efficacité une fonction normalement constitutive de notre état de nature. Ici, le masque réagit aux mouvements oculaires qui accompagnent toute activité onirique en faisant clignoter des petites lampes Led devant les paupières. Le rêveur est alors censé percevoir les petites lumières rouges et les traduire dans son rêve par la conscience qu'il rêve, en d'autre terme le mener illico presto vers le nirvana des rêves lucides. Je suis en train de rêver de mon chef de service, et hop, petites lumières rouges, je m'envole par la fenêtre  !


Quand on connait les troubles de la personnalité que l'abus de rêve lucide peut entraîner, équivalent à du surmenage, et la réticence naturelle de l'esprit humain à renouveler trop souvent ce type d'expérience, nous ne pouvons qu'envisager avec effroi la grande dépression qui guette l'humanité quand elle découvrira que la boîte aux présumées merveilles n'abrite pas plus de trésors que ne nous en dévoile déjà notre simple capacité à imaginer. Et si Pan dort, sans doute vaudrait-il mieux ne pas épuiser la sauvage liberté de l'imaginaire et du rêve par l'entrave d'un contrôle factuel - un code barre jusque dans nos âmes.

Les enfants, je me suis trompé, c'est pas un parking de station service, c'est un camp d'entrainement militaire !

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